Les aventures des célibataires : un divertissement pour les couples ?
Ce soir, comme tous les jours, j’ai mis deux chaussettes différentes. Longtemps je m’obstinais à chercher l’âme soeur de la première chaussette qui me tombait sous la main. Puis, à force d’arriver en retard à tous mes rendez-vous, mes amis ont décidé de m’ouvrir les yeux.
Je ne dois plus être à ce point exigeante et je dois me résoudre à porter des chaussettes dépareillées, certes, mais qui ont le mérite de me rendre ponctuelle. Ces assortiments plus ou moins réussis n’ont pour autant pas vocation à rester ensemble, si elles sont exceptionnellement réunies, ces chaussettes n’auront pas tous les jours la même chance, le but étant de palier la solitude de la première et non de créer une nouvelle paire.
Quelle meilleure façon de pimenter ta journée ?
En effet, cette succession de mariages improbables donne du piquant à ta vie en rompant avec cette monotonie has been de la paire de chaussettes traditionnelle que t’impose la société !
En plus, chose non négligeable, tu es à l’heure pour ton rendez-vous hebdomadaire du lundi soir ! Le lundi, jour sacré du bilan, une véritable institution ! Tous les regards sont braqués sur toi, tu es sous le feu des projecteurs, bref ce soir c’est toi la star !
Eh oui, toi aussi tu connais ça, la sollicitation des couples qui, après leur weekend monotone, n’ont qu’une envie : entendre le récit palpitant de ta semaine écoulée et avoir un teasing croustillant sur la semaine à venir. L’altruiste que tu es leur accorde le lundi, seul jour sans rencard, repos de la célibattante oblige. Non, tu ne peux pas te permettre d’être en retard connaissant l’impatience de ton auditoire, tu as bien conscience que cette soirée est pour eux le summum du divertissement.
Au resto, autour d’un verre ou chez eux – évidemment pas chez nous, les célibataires ne savent pas faire à manger et n’ont pas de lave vaisselle – les paires nous invitent à leur livrer nos aventures. Après un léger flottement, sont évoqués la météo, les problèmes du boulot… mais très vite les couples trépignent, ils veulent assouvir leur curiosité.
« Qui sont tous ces nouveaux amis Facebook ???!!! »
« Que signifient ces private jokes ??? »
« Qu’ont donné tes rencards ? Tu sais les quatre de la semaine dernière ??? »
Bref, un point s’impose. On ne se demande plus pourquoi on est là, notre mission est claire : animer la soirée ! Alors ni une ni deux nous montons sur scène pour permettre à tous ces couples de vivre – un peu de – nos vies trépidantes par procuration.
Huguette s’en sort bien, elle a réussi sa semaine haut la main et se retrouve en pole position. Le vendeur qu’elle a courtisé il y a trois semaines lors d’une virée shopping, n’a toujours pas annulé leur rendez-vous prévu pour vendredi. Peut-être commence-t-il enfin à déculpabiliser de passer une soirée avec une fille autre que sa copine ?!
Quant à moi, mon bilan est assez désastreux. Au détour d’une recherche sur Facebook j’ai eu le bonheur de découvrir que la bague que portait ma dernière conquête de boîte était bien, malgré les dénégations de celui-ci, le symbole de l’amour qu’il porte à sa femme.
Après avoir posé les bases d’un bon spectacle, il est temps de faire intervenir le public pour une question fatidique. Eh oui ! Leur vie est bien triste, donnons leur l’illusion d’être au moins utile et de participer aux évènements ! En plus, il ne faut pas cracher dans la soupe, un avis extérieur – certains diront expérimenté – est toujours bienvenue.
Alors, que pensent-ils de ce mec que nous avons rencontré lors d’une soirée et qui depuis nous relance tous les jours et simultanément – bien sûr ? Est-il complètement stupide, les mecs ne sauraient toujours pas que les filles parlent entre elles ? Est-il audacieux, il tente le tout pour le tout, il en aura bien une sur les deux ? Est-il ambitieux, il a l’espoir d’assouvir son phantasme d’un plan à trois ? Quoiqu’il en soit, les spéculations vont bon train !
L’objectif est atteint, nous sommes prêtes à entamer une nouvelle semaine. Pendant que les couples assortis se moquent de nos chaussettes dépareillées, nous les plaignons de leur vie si bien rangée.
Non … ?